mercredi 10 décembre 2008

La Bouche sur l'air, épisode six et demi, sept et demi et huit

17
Ma robe me suit,
elle me va à ravir, trait sous l’œil dans l’ascenseur. Le temps de ne pas penser à mourir de peur, je suis là, parmi la poignée de ceux qui ne savent jamais pourquoi ils sont là et pas ailleurs. Tout mon corps est un tambour sur lequel il frappe. On me déplace, je suis dans le chemin du champagne. Je me déplace. J’aimerais rire, mais je ne sais pas. Je ne sais plus rien, j’ai reconnu sa voix. Sous ce feu qui me vrille, je ne me reconnais plus.

18
Combien de baisers râpeux
à combien d’infirmiers? Toutes ces images, toutes ces comètes folles qui vivent en moi. Le type qui me rend visite m’a dit que je ne m’en sortirai que quand j’accepterai cette partie de moi qui construit le mur juste devant cet autre moi qui s’horrifie de cette barrière sans issue. Moi, moi moi. Nous sommes si nombreuses. Malgré tous nos efforts, on se ressemble affreusement. Je voudrais une cigarette. Celles qu’il achetait pour moi, qu’il partageait avec moi, où est l’éblouissement de cette soirée, où rien ne nous séparait plus, mes moi et moi ? Il n’y a que lui pour rassembler, berger du troupeau de chèvres folles que je suis. J’ai cassé ma corde, je suis seule dans la nuit.
Les dents se rapprochent.

19
Ces rondeurs. Cette misère.
Nous voilà, sans rien faire, une bête petite flamme entre nous qui vient de s’éteindre. Je voudrais de la musique. Je ne sais pas ce qui m’arrive. Est-ce possible, toutes ces vannes qui s’ouvrent en même temps et dans lesquelles s’engouffrent la vie la mort, les choses de ce temps qui ont été le mien et que je veux lui donner maintenant ?
Coque fragile sous mes pieds, la vague n’a plus son importance. Rentrons, je me surprends à ouvrir ma chambre, mon lit, ma braguette à cet endroit chaud qui m’aspire avec des bruits de tétine.
Je fume comme un pompier, je ne me souviens plus où ça a commencé, je m’endors en pissant je pisse en marchant je marche en courant, mon emploi du temps s’accroche à mes basques.

20
Je vois bien déjà
la douleur de ces échappées. Mon emploi du temps s’accroche à mes roues, tête enfance tour vélo épicier clic-clic clé-clé. Et lui qui fume comme un pompier, moi j’aspire de toutes mes forces la fumée. Je ne me souviens que trop bien où ça commencé. Ces seins. Je regarde les miens, je les monte, je les soupèse dans l’ascenseur. Je ne nettoie plus rien à l’alcool, j’ai peur de prendre feu, ses vêtements et son corps sont couverts de ces particules invisibles qu’il transporte avec lui de sa prairie fumée où il m’a emmenée.



Comment oublier.
Les machines ne tournent plus. Mon pneu a crevé. Les sacs de vêtements neufs s’accumulent neufs dans l’entrée parce qu’il ne me laisse jamais le temps de les enfiler. Nous ne sortons plus. Son visage devient le haut de mes murs, mes murs sont ses bras, murs mobiles, mains qui pétrissent fort, parfois trop. Jamais je ne me suis laissée aller à manquer un seul jour dans la tour de verre. Mes collègues me manquent. Je le vois devant ma porte et je glisse sur le pavé qui me trompe de nouveau. Que faire, sinon attendre, attendre que je meure pour revivre. Mais j’en ai trop envie.

Aucun commentaire: