jeudi 4 décembre 2008

La Bouche sur l'air, épisode deux et demi

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Trois fois j’aurais pu descendre, trois fois je n’ai pas bougé. La bouche de métro. Sa bouche. Si je sors de sous terre, je vais respirer de nouveau, les alambics vont se remplir de sang, d’air, de crasse et la vie va venir en trombe effacer ce qui a été elle, ma douleur d’elle. Si la grosse dame avec une odeur insoutenable n’était pas venue poser son gros corps contre le mien, j’aurais fait la fermeture. Je monte les escaliers, j’ai de quoi marcher.

Une épée transperce le bas de sa colonne et pousse. Glacée. Il marche vite, il accepte. La pointe fourrage son bas-ventre et remonte droit vers la tête. Il s’arrête net, comme s’il avait oublié ses clés. Il la voit, elle le traverse comme le beau feu dont il était si fier, au bord de l’eau. Il sait qu’il ne peut pas arrêter cet éclatement de petites images. Alors il vacille, se cogne contre l’abribus. Ce bruit. Il serre les dents quand la lame lui retourne les yeux.

Paris est orange, dans le froid et dans la nuit.

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Un feu
qui peut aller jusque là. Je me demande comment. Et pourquoi. Fusées qui font un peu sursauter, sifflements aigus et puis couleurs qui s’agrippent à la nuit noire du tissu qui nous enveloppe. On ne leur demande pas de nous éclairer, juste de frimer un peu, de dire aux gigantesques anneaux des planètes dites donc, matez un coup ce qu’on sait faire.
Je voudrais bien quelqu’un que je regarderais passer comme un feu d’artifice. Pour moi toute seule. Un soir où les étoiles clignent des yeux très fort. Il serait en forme de comète, avec de longues jambes et tout en violet. Je me bouche les oreilles. Montréal, 26 juin, chaque juin de ma vie. Après, Kyoto, Monaco. Toute seule dans les avions. Pour du feu.

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Il s’est arraché à Paris, il travaille dans son hangar où l’inflammable calme son grand corps coupé en deux.
Il ferme la porte sur le dernier journaliste. Il s’est accroché à ses secrets. Dehors, la plaine comme une moquette cendrée, avec d’énormes trous de cigarettes. Le goût de la cigarette l’effraie. Il a changé, tous ses repères le quittent. Une femme balisait sa route. Le pont vers l’après-elle lui donne le vertige. Il ne sait pas ce que c’est, après elle.

Frissonner avec tous ces souvenirs crevés, fabriquer des comètes qui se jettent dans le gouffre – applaudissements de la foule. L’artificier K4 a la tête en bas. Ses ongles sont bleus, ses artères sont distendues, sa langue pend et il bave un peu sur son col. Ses étincelles d’aluminium se ruent par milliers vers le fond de la faille. Elles ne s’y écrasent jamais, elles s’y éteignent, par manque d’air. Par manque de fond.

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