dimanche 7 décembre 2008

La Bouche sur l'air, épisode cinq et demi

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Je suis
assise. Chacun de mes mouvements grince. Un joli petit infirmier tout rose vient me raconter des histoires. Il m’a apporté un miroir. Il est dans ma poche. Il a sorti tout un tas de mots insensés. Son œil regardait derrière lui quand l’autre me regardait droit dans le grain de beauté sur mon visage. Je lui fais peur, je lui fais envie, il ne veut pas que je meure me dit-il. Je voudrais le prendre dans mes bras, je veux qu’il me laisse. Je me sens vieille soudain, ma vie me reprend.

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Ma peau fripée sur le ponton gris.
Devant, le cul du bateau et le trait de la mer, tout là-bas. Le bout des skis me fait plonger. Le moteur me soulève. Très vite, la cuvette de la plage reprend sa forme, m’en éloigner au plus vite. Large. Petits bosquets à gauche, les arbres s’agitent sur mon passage. Je regrette d’avoir laissé les bouchons d’oreille dans mon sac, les crachats en forme de bruits sont épouvantables. Je regarde à ma droite. Pas ses jambes à ma droite, son profil que j’allais rejoindre, en appuyant ma jambe sur le ski. Profil devenant face, sourire dans le soleil, sa langue de sel dans la mienne. Distance. Bonheur. Petits bosquets.
Je glisse bien au milieu.
Dans la courbe de cette crique, sur l’arcade parfaite d’un sourcil, exploser la rage ce soir. Énorme rage en forme de parachute de strontium. Pendant les petits fours et les cris extasiés, la mer va sursauter. Rouge le feu, rouge la vie, rouge le gilet autour de mon torse. Le sel a mangé l’image.

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Un bain.
L’entremise de l’infirmier tout rose m’a enfin allongée dans une baignoire. La seule vraie salle de bains digne de ce nom ici où je n’entends pas les oiseaux. Je vois mes orteils, ils sont encore dix, sortir d’une eau rendue trouble par le savon. L’infirmier est à la porte, il me demande toutes les trois minutes si ça va. Je dois répondre dans la seconde, sinon il entrerait et le calvaire reprendrait. Je dois être vivante pour prendre un bain. Mon corps, si lourd ce pauvre chéri, n’arrive qu’à peine à flotter un peu. Mes cheveux gouttent doucement, le bruit me rassure. J’ajoute de l’eau bouillante. Le signal d’amour. L’immense serviette entre ses mains, je m’y jetais sans regarder ses yeux. La honte et l’amour. Nous avons joué ces fausses notes pendant quelques semaines jusqu’à ce que
Je veux me lever et je sais que je n’y arriverai pas.

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