jeudi 11 décembre 2008

La bouche sur l'air, episode huit (fin)

21
Je voulais être un soleil, un sacré soleil
qui n’arrête pas de tourner autour de la terre. Heureusement, on m’a écouté attentivement. Tout le jargon, je l’avais avant la formation. Je n’avais pas besoin de cette formation, juste de la lettre et du chiffre, pour tourner comme un soleil. J’ai enflammé la prairie dès mon enfance, si bien qu’on m’a cédé de bon cœur la grange qui allait avec. Je l’ai préparée de mes mains à recevoir toutes les mouvantes, toutes les distillées, toutes les crachantes, toutes les sifflantes que j’ai accumulées patiemment. Et puis le village a vu. Mais le village, je m’en foutais sacrément. Je voulais que la vallée me voie, tout entière. Une vache a eu peur, je n’ai pas aimé ça. J’ai engagé des assistants et j’ai eu un chien.

Les mains vides,
il contemple. Tout tourne, sauf la grange et sa prairie. Indéboulonnables. Les enfants ne sursautent plus, ne tapent plus dans leurs mains, le chien dort, la vache tricote. C’est l’heure de la grande fusée. Si jeune. En forme d’épée.

22
La voilà,
cette vision imprenable ; la voilà la grande marée. Toutes les questions sont restées des questions devant elle. Au milieu de toutes ces montagnes de rêves, de ces oreillers de mensonge, de ces immeubles à grimper, elle se dresse. Sans se soucier quand, combien et surtout pourquoi.
Elle la voit soudain,
alors que ses yeux ne voyaient que lui et que c’en était devenu insupportable. Enfin seules, parce qu’elle n’a jamais su être seule. Marcher vers elle, sans se retourner. L’unique rencontre, toutes ses plaies ouvertes se nettoieront dans son sel. Ses manques sans fond toucheront son fond à elle. Ses vêtements sont blancs comme son écharpe gigantesque qui court d’un bout à l’autre du sable glacé en gros grains.

Elle marche vers elle qui, peu à peu, se referme sur elle, comme la bouche sur l’air.

23
L’ascenseur monte comme une fusée.
Une femme me regarde en souriant, alors je souris. Nous allons au même étage. Je regarde autour de moi mais ce n’est pas difficile, je ne vois que lui. Je passe rapidement la main dans mes cheveux avant de frapper à la porte.

C’est mon premier jour dans cette tour. J’aime la vue, on voit le ciel.

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