samedi 6 décembre 2008

La Bouche sur l'air, épisode quatre et demi

8
Dix-sept.
Valise déjà prête, il n’y a rien dedans. Dix-sept jours. Ascenseur. Elle sourit au miroir, elle s’accroche à la rambarde et secoue fort la tête pour que la sensation de manège l’emporte, elle et sa joie. Pas fatiguée, la tête. Même quand elle sort la bouteille d’alcool, et cætera. Même quand elle saisit le combiné, et cætera. Même quand elle pousse les portes, sourire et milk-shake de la tête, elle ne peut pas s’arrêter. Elle veut mélanger la joie à toutes les cellules de son cerveau, qu’elles en soient toutes exactement imprégnées. Elle est même arrivée à écrire dix-sept en toutes lettres sans arrêter de secouer. Bien droit sur une ligne, à côté du numéro du vol, de l’heure de départ, du numéro du siège, du numéro de la chambre. Du nombre de fenêtres donnant sur la mer. Du nom de qui, dans dix-sept jours, enflammera le ciel du Rocher. Il l’a dit, la fumée d’une cigarette coupée du plan remontant vers ses cheveux, qu’une main travaille toujours. La ligne quitte le papier. Il est six heures.
Dans dix-sept jours, il sera six heures.
Tête enfance tour vélo épicier clic-clic clé-clé.

9
J’aime
être attachée, bouger un peu les poignets dans les sangles en cuir dont les bords font mal. Je sais que je suis attachée. Dans le noir, je me retrouve. J’attends qu’ils reviennent pour qu’ils changent mon oreiller et qu’ils essuient ma nuque. La sueur de mon cou me donne l’adresse exacte de mon état. J’ai tenu six jours.
Elle frotte
son pied contre l’autre. Le contact d’une solitude l’autre la fait grimacer et suffoquer avant qu’elle commence à hurler et à pleurer et à pisser dans ses draps. Son long corps surpris par la nouvelle secousse la rejette. Ses veines ne peuvent plus la supporter, sa propre vessie. Les mains sur elle, les mots dans le noir du médecin ne lui parviennent plus. Sa mâchoire qui grince et qui tremble est coincée par un galet rond et souple. Elle s’endort en bavant sur son épaule.

10
Elle regarde le ciel
de trois heures de l’après-midi, son bagage ouvert, ses pieds encore chaussés posés dessus. Il n’y a que la robe qui ait un aspect de certitude. Couchée tordue qu’elle est, en mangeant une pomme qu’elle mâche fort pour faire du bruit, elle est incapable d’aller faire pipi, elle ne veut pas redresser sa tête qui va bientôt entraîner son corps sur le sol, elle est déjà sur le sol, ça fait un peu mal, toute la valise s’est cassée la gueule, le silence reste le même, le ciel de Monaco aussi. Son morceau de ciel porte tous les feux qu’elle a vus depuis. Elle téléphone et demande une autre pomme. On la lui apporte sur une assiette en porcelaine à écusson.

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