jeudi 12 février 2009

12

Bien chère panique,

Je vous écris, un oeil sur le papier, un oeil vers la fenêtre où la lumière du jour est bientôt là.
Je n'ai pas beaucoup de temps; vous excuserez ma plume qui bave, ce n'est ni le froid, ni le manque de courage. Ne nous arrêtons pas sur ces détails.

Je tenais à vous remercier pour votre invitation de la semaine dernière. Quelle allure vous aviez... Je vous vois devant moi en ce moment.

J'ai frappé à votre porte, la nuit était tombée et je n'ai pas d'abonnement à l'électricité privée. Je préfère mettre mon argent ailleurs, et un peu de noir ne fait de mal à personne.

A l'instant où vous m'avez ouvert, j'ai réalisé que je m'étais trompée de porte. Vous avez insisté, j'étais seule et de votre téléviseur venait une lueur marécageuse qui m'a intriguée.

Après, mon contact avec vous, chez vous, vos objets: tout est noyé dans un sentiment qui, ce matin, avant de partir bien loin d'ici, me revient.

Ce qui m'a un peu glacée, je dois vous le dire, c'est votre taille et l'épaisseur de vos épaules: vous occupiez tout l'espace de l'encadrement de la porte. Et de part et d'autre de votre tête, un espace qui me hante: si vos épaules font à peu près 50 centimètres de large, quelle est la taille de vos bras? De vos mains?

Je ne vous ai pas vue sourire, mais votre accueil a été aussi chaleureux que possible, à l'image de l'éclairage, tantôt sauvagement cru, tantôt faible comme la respiration d'un homme en train de mourir...

Je vous écris, parce qu'après vous, tout a changé: les choses ont eu un nom, une valeur. Des arbustes poussent à présent depuis mon crâne ouvert comme une boîte, si ma respiration s'emballe, je la force à regarder intensément le soleil et elle se calme.

Je ne sais pas si je dois vous remercier ou vous haïr au point de vouloir votre mort, de revenir me venger. Mais je pars, et ces deux mots me font tellement rire que je ne sens plus mes joues.

Voilà ce que vous deviez savoir ce matin. C'était de la première urgence. Je vais poser mon stylo, ouvrir ma porte et regarder attentivement la vôtre. Je sens que vous serez là, derrière, quand je poserai ma lettre par terre.

Quelle pauvre vie vous avez.

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